Solidarité et Subsidiarité : comme moteur créatif des concepts

3, Mar 2024 | Europäische Union, European Union, L’Union Européenne

Le principe de subsidiarité et son contexte

Nombreux sont ceux qui pensent que le « principe de subsidiarité et son contexte » est un sujet aride et presque théorique. Essayons de démontrer que le principe de subsidiarité est en réalité un thème central de notre conception de l’homme en Europe et de notre compréhension de la vie en commun dans l’Union européenne.

Historique des idées

L’idée de subsidiarité existe depuis bien avant l’Union européenne.

En effet, le principe de subsidiarité a été développé à partir de la doctrine sociale chrétienne, notamment pour mettre l’accent sur la responsabilité personnelle et la dignité de l’individu. À l’époque, le principe de subsidiarité était bien sûr révolutionnaire, car il remettait en question l’ordre tout-puissant de l’État autoritaire souvent monarchique. D’autre part, sans responsabilité personnelle, il n’y a pas non plus de culpabilité personnelle ou de mérite, ce qui ne correspond pas à la vision judéo-chrétienne du monde.

Dans les temps modernes, le principe de subsidiarité a été formulé par le pape Pie XI contre les ordres dans l’État et la société qui, au lieu de soutenir l’individu, le mettent sous tutelle. La subsidiarité était donc également un contre-projet au communisme déjà installé en Russie, au fascisme en Italie et à la montée du national-socialisme en Allemagne avec son univers d’idées du « völkisch» (germanique-tribal), qui prônent la supériorité du peuple dans le sens ethnique par rapport aux autres peuples tout comme par rapport à l’individu.

Contexte et contexte européen

Lorsque l’on parle de subsidiaire ou de subsidiarité au niveau européen, il ne faut pas oublier que la signification et l’application de ces termes dans les différentes langues européennes ont des significations différentes, parfois même opposées. Des situations opposées sont ainsi associées. Dans les pays de langue romane, comme l’italien ou le français, « subsidiaire » a plutôt un sens proche de secondaire ou subordonné, tandis que dans les pays germanophones « subsidiaire » est la base du Fédéralisme. Le terme « fédéralisme » en revanche a une connotation positive dans les pays germanophones, mais a une signification opposée dans les pays anglophones, où il est plutôt associé à la centralisation.

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que le traitement du thème de la subsidiarité au niveau européen soit si difficile et n’ait pas réussi jusqu’à présent à être contraignant. La Conférence sur l’avenir de l’Europe sur le niveau des institutions devra trouver un langage commun qui aura un impact positif au Conseil et au Comité des régions.

Le principe de subsidiarité énoncé à l’article 5 (article 3b), paragraphe 2 du traité CE ne fait de distinction qu’entre le niveau des États membres et le niveau communautaire pour ce qui est de savoir qui est compétent pour exercer une compétence.

Or, le fait que « …les mesures de la Communauté européenne, conformément au principe de subsidiarité, ne concernent pas seulement les États membres, mais aussi leurs collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci disposent de compétences législatives propres en vertu du droit constitutionnel national » a été clairement exprimé dans la déclaration sur la subsidiarité de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Belgique, dont le sommet d’Amsterdam a pris acte, sur l’insistance de la Flandre. Il n’est pas surprenant qu’il s’agisse d’États membres organisés sur un mode fédéral et que tous trois appartiennent à la zone linguistique allemande (ou germano-flamande). Il n’est pas non plus surprenant que les États mentionnés aient dû faire une déclaration commune spécifique, alors que la demande n’a pas été soutenue par les autres États membres.

Un autre point est la situation constitutionnelle et de politique intérieure dans les autres États membres de l’Union européenne.

Les États membres susmentionnés, organisés sur un mode fédéral, sont soupçonnés de ne pas respecter le principe de subsidiarité de l’auto-organisation des autres États membres de l’Union européenne, comme l’Italie (Tyrol du Sud), l’Espagne (Catalogne et Pays basque).

Dans sa définition actuelle, la subsidiarité signifie que les tâches publiques doivent être réglées au plus près des citoyens – par exemple au niveau des communes ou des Länder. Ce n’est que lorsqu’un certain problème ne peut pas être résolu à ce niveau que la compétence réglementaire doit être transférée « vers le haut ».

Cependant, tant en Allemagne qu’en Europe, les instruments permettant de décider quand une tâche doit être transférée font généralement défaut, car il n’est pas défini quand une solution n’est plus ou ne peut plus être apportée par le niveau inférieur. –

Quand, par exemple, la protection contre les épidémies, l’intérêt général de la communauté élargie ou l’égalité des conditions de vie à atteindre exigent une intervention du niveau régional, du niveau fédéral ou du niveau européen pour passer au niveau supérieur.  (La Belgique a tracé des limites plus claires à cet égard et en fait également la démonstration par la représentation de l’État membre Belgique par les régions au sein des conseils européens).

L’article 5 du traité CE stipule que « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».

En évaluant si les mesures « ne peuvent pas être réalisées de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisées au niveau communautaire », on ne peut ignorer le fait que la capacité à résoudre les problèmes varie, que ce soit à l’intérieur de l’Allemagne, entre les Länder, ou entre les États membres de l’Union européenne. (pour ne pas offenser un Land, je ne pose pas la question de savoir qui peut construire des aéroports en temps voulu ou qui peut financer un nombre d’universités de pointe supérieur à la moyenne tout en conservant un budget équilibré).

Le principe de subsidiarité – principe de base

Pour chaque initiative législative, la Commission européenne doit démontrer qu’elle est mieux à même de résoudre la tâche en question que les régions ou les États membres, et elle le justifie également dans les propositions qu’elle présente à la demande des États membres.

Étant donné que la notion de subsidiarité ne peut pas être clairement définie à l’échelle européenne (voir ci-dessus), l’Union européenne recourt à l’instrument de l’analyse d’impact approfondie de ses actions, qui est ancrée à plusieurs endroits dans le traité de Lisbonne. Dans son programme de travail pour 2021, la Commission européenne a ainsi prévu une analyse d’impact pour chaque proposition législative envisagée, qui inclut l’examen des atteintes possibles aux compétences existantes.

On oublie trop souvent que la Commission envoie des propositions aux États membres et au Parlement européen, qui décident ou non de les adopter.

Le traité d’Amsterdam contient, dans le « protocole sur la subsidiarité », des précisions juridiquement contraignantes sur l’application du principe de subsidiarité. Pour que l’action de l’Union européenne soit justifiée, deux conditions doivent être remplies :

– Les objectifs de l’action ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres.

– Les objectifs peuvent donc être mieux réalisés par une action communautaire. La Commission doit donc justifier si ces conditions sont remplies. En même temps, il est précisé que l’action de l’Union européenne doit laisser autant de place que possible aux États membres.

Le principe de subsidiarité garantit un certain degré d’indépendance à une autorité subordonnée par rapport à une autorité qui lui est supérieure ou à une autorité locale par rapport au pouvoir central. Il s’agit donc d’une répartition des compétences entre différents niveaux de pouvoir, un principe qui constitue la base institutionnelle des États fédéraux.

Appliqué dans le cadre de la Communauté, le principe de subsidiarité signifie que les États membres conservent les compétences qu’ils peuvent exercer eux-mêmes le plus efficacement et que la Communauté se voit attribuer les pouvoirs que les États membres ne peuvent exercer de manière satisfaisante.

Le principe de subsidiarité ne s’applique qu’aux domaines partagés par la Communauté et les États membres. Il ne s’applique donc pas aux compétences communautaires exclusives, ni aux compétences exclusivement nationales. La délimitation est toutefois floue, car les domaines de compétence de la Communauté peuvent par exemple être étendus par le biais de l’article 308 (235) du traité CE si une action de la Communauté semble nécessaire pour atteindre les objectifs du traité.

Traité d’Amsterdam

Sans avoir modifié le libellé de la règle de subsidiarité de l’article 5 (article 3b), paragraphe 2 du traité CE, le traité d’Amsterdam a inséré le « protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité » dans le dispositif du traité européen.

Qui sont les destinataires du principe de subsidiarité ?

Le principe de subsidiarité s’adresse à toutes les institutions de l’Union. Il revêt une importance pratique notamment dans le cadre des procédures législatives. Le traité de Lisbonne a renforcé le rôle respectif des parlements nationaux et de la Cour de justice dans le contrôle du respect du principe de subsidiarité. Le traité de Lisbonne a non seulement fait explicitement référence à la dimension infranationale du principe de subsidiarité, mais il a également renforcé le rôle du Comité des régions et a donné aux parlements nationaux la possibilité d’associer les parlements régionaux dotés de pouvoirs législatifs au « système d’alerte précoce ».

Contrôle des institutions de l’UE par les parlements nationaux (« système d’alerte précoce »)

Conformément aux dispositions du traité de Lisbonne, les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité selon la procédure prévue par le protocole n° 2. Ainsi, et on ne saurait trop le souligner, les parlements nationaux contrôlent non seulement la Commission européenne, mais aussi le Conseil et le Parlement européen.

Dans le cadre de cette procédure (« système d’alerte précoce »), les parlements nationaux ou les chambres de l’un de ces parlements peuvent, dans un délai de huit semaines à compter de la transmission d’un projet d’acte législatif, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles ils estiment que le projet n’est pas conforme au principe de subsidiarité. Si le nombre d’avis motivés des parlements nationaux atteint au moins un tiers (une voix par chambre pour les parlements bicaméraux et deux voix pour les parlements monocaméraux), le projet doit être réexaminé (« carton jaune »).

L’institution qui a rédigé le projet d’acte législatif peut décider de le maintenir, de le modifier ou de le retirer, cette décision devant être motivée. Pour les dispositions relevant du domaine de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, le seuil inférieur est d’un quart des voix. Si, dans le cadre de la procédure législative ordinaire, au moins la majorité simple des voix de tous les parlements nationaux conteste la conformité d’une proposition législative avec le principe de subsidiarité et que la Commission décide de maintenir sa proposition, celle-ci est soumise au législateur (Parlement européen et Conseil), qui se prononce en première lecture. Si le législateur estime que la proposition législative n’est pas conforme au principe de subsidiarité, il peut la rejeter à la majorité de 55 % des membres du Conseil ou à la majorité des suffrages exprimés au Parlement européen (« carton orange »).

Le système d’alerte précoce dans la pratique

La procédure du « carton jaune » n’a été déclenchée que trois fois jusqu’à présent, tandis que la procédure du « carton orange » n’a jamais été utilisée. En mai 2012, un « carton jaune » a été décerné pour la première fois à une proposition de règlement de la Commission concernant l’exercice du droit de mener des actions collectives dans le contexte de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services. Douze des 40 parlements nationaux ou chambres de ces parlements ont estimé que le contenu de la proposition n’était pas conforme au principe de subsidiarité. La Commission a finalement retiré sa proposition, mais a néanmoins estimé qu’il n’y avait pas de violation du principe de subsidiarité.

En octobre 2013, 14 chambres parlementaires nationales dans 11 États membres ont donné un nouveau « carton jaune » à la proposition de règlement portant création du procureur européen. Après avoir évalué les avis motivés des parlements nationaux, la Commission a décidé de maintenir la proposition, en faisant valoir qu’elle était conforme au principe de subsidiarité.

Un troisième « carton jaune » a finalement été attribué en mai 2016 par 14 chambres dans 11 États membres à la proposition de révision de la directive sur le détachement des travailleurs. La Commission a fourni une justification détaillée pour le maintien de sa proposition, faisant valoir que le détachement de travailleurs est, par définition, une situation transfrontalière et qu’il n’est donc pas contraire au principe de subsidiarité.

Contrôle juridictionnel

Le respect du principe de subsidiarité peut être contrôlé a posteriori, après l’adoption de l’acte législatif, par un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne. C’est également ce que prévoit le protocole. Les institutions de l’Union disposent toutefois d’une large marge d’appréciation dans l’application de ce principe.

Elles peuvent, au nom de leur parlement national ou de l’une de ses chambres, conformément à leur ordre juridique, introduire un recours en annulation devant la Cour de justice contre un acte législatif pour violation du principe de subsidiarité. Le Comité des régions peut également engager de telles procédures judiciaires contre des actes législatifs lorsque le TFUE prévoit une consultation à cet effet.

Le rôle du Parlement européen

Le concept de subsidiarité a été proposé par le Parlement européen, qui a proposé une disposition lors de l’adoption du projet de traité sur l’Union européenne en 1984. Dans les cas où le traité confère à l’Union une compétence concurrente à celles des États membres, ces derniers devraient pouvoir agir là où l’Union n’est pas intervenue pour réglementer. La proposition soulignait également que l’Union ne devrait assumer que les tâches qui peuvent être accomplies plus efficacement en commun que par des États agissant séparément.

Accords interinstitutionnels

Le Parlement européen a adopté une série de mesures afin de jouer son rôle, dans le cadre des traités, dans l’application du principe de subsidiarité. La commission des affaires juridiques du PE établit régulièrement un rapport-commentaire sur les rapports annuels sur la subsidiarité et la proportionnalité rédigés par la Commission.

Le Conseil, le Parlement et la Commission ont signé en 1993 un accord interinstitutionnel qui exprime clairement la volonté des trois institutions d’agir avec détermination dans ce domaine. Elles s’engagent ainsi à respecter le principe de subsidiarité. Cet accord précise, par des procédures d’application du principe de subsidiarité, les modalités d’exercice des compétences conférées par les traités aux institutions de l’Union, afin de permettre la réalisation des objectifs prévus par les traités. La Commission s’est engagée à tenir compte du principe de subsidiarité et à motiver et justifier son respect. Il en va de même pour le Parlement et le Conseil dans le cadre des compétences qui leur sont conférées.

Remarque finale

On voit que les détracteurs de l’Union européenne ont peut-être eu raison par le passé. Mais cela ne suffit pas. L’Union européenne, c’est-à-dire nous tous, a appris. Le président Kennedy avait une sagesse que j’aimerais appliquer à l’Union européenne, il disait face à de grands défis :

On ne peut pas battre plusieurs cerveaux qui travaillent ensemble.

L’Union européenne est heureusement une coopération très diversifiée, composée de nombreux peuples, cultures et langues. N’écraser personne prend du temps. Mais la solution est alors réfléchie et diversifiée. Comme le Président John F. Kennedy aimait rappeller face à des défis hors normes et complexes : «  You can’t beat brains ! _ On ne peut pas battre des cerveaux réunis » TH

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